En termes d’espèces exotiques dites “invasives”, on connaissait la bernache du Canada, le ragondin et autre vison américain. Aujourd’hui, la France doit compter avec l’ouette d’Égypte, comme le démontrent les scientifiques de l’ONCFS dans le dernier numéro de Faune sauvage. Cet oiseau reconnaissable notamment à sa tache brun chocolat autour de l’oeil et à la base du bec est aujourd’hui présent – les derniers chiffres remontent à 2011 – avec plus ou moins de constance dans 52 départements (avec une concentration en Alsace et en Moselle), et un taux d’accroissement annuel de 45 % !

Cette colonisation est tout de même étonnante pour une espèce « afro-tropicale, plus précisément soudano-sahélienne, que l’on trouve donc au sud du Sahara et le long de la vallée du Nil ». Contrairement à ce que la logique voudrait, nos ouettes (qui ne sont d’ailleurs pas des oies même si elles leur ressemblent ; elles sont, en effet, de la famille des tadorninés, une sous-famille des anatidés) sont arrivées en France, en provenance non du Sud mais du… Nord, plus particulièrement « des pays frontaliers, la Belgique, l’Allemagne et le Luxembourg, pays eux-mêmes colonisés par des individus provenant des Pays-Bas ».

En effet, les ouettes “européennes” viendraient pour l’essentiel d’oiseaux échappés de captivité et d’introductions volontaires, qui ont ensuite colonisé jusqu’en France et aux pays scandinaves, à la faveur notamment du réchauffement climatique. Cette colonisation (estimée aujourd’hui en Europe à 71 000 individus et 15 000 couples) a si bien réussi « que l’ouette figure en tête de liste des 100 espèces qui présentent leplus haut niveau de préoccupation du point de vue environnemental, sanitaire…  »

Au vrai, sa présence n’est pas sans risque,en particulier sur les cultures et sur la santé (avec les fientes et les mues, elles peuvent provoquer un risque sanitaire si elles stationnent dans les lieux publics, comme les parcs et les plans d’eau). Pour tenter d’endiguer le phénomène, les pays européens concernés n’ont pas hésité à prendre le problème à bras-le-corps. Depuis1996, aux Pays-Bas, elle est tirée par des agents de l’État, et a été classée espèce gibier en 2002, de même que dans certains Länder en Allemagne ; en Grande-Bretagne, elle est considérée comme un fléau à telle enseigne que son tir est libre.

En France, les premières mesures dites de régulation sont intervenues en 2006, l’ONCFS juge qu’elles sont « insuffisantes », et qu’il faut « opérer une réelle pression cynégétique sur l’espèce en raison de sa tonicité démographique ». En d’autres termes, il faut la chasser le plus vite possible. Qu’en pensent les écologistes si prompts à réagir dès qu’il s’agit de biodiversité ?